Sibylle philosophe sans gravité...

25 juin 2022

Gelassenheit

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Simplement ceci : Comment pouvons-nous concilier l’attitude de celui qui utilise la technique pour créer les conditions de possibilité d’un nouveau sol sur lequel l’ek-sistant pourra déployer sa puissance, sa créativité et l’attitude de celui qui s’oubliera dans une transformation silencieuse de son être ? Entre le dévoilement de son être et son occultation, c’est-à-dire son arraisonnement (Ge-stell), il nous faut tenir le juste équilibre.

La transformation digitale que nous connaissons depuis les années 1990 ne cesse de prendre le pas sur tous nos pans de vie. Les algorithmes modifient nos désirs, gouvernent nos actions et construisent même nos vérités en orientant nos choix. A travers nos préférences, nos favoris, nos consultations répétées de sites internet, ils dressent notre profil et nous proposent d’autres accès, d’autres réseaux, d’autres ressources.

Nous répondons favorablement comme de bons petits soldats que nous sommes. Pourquoi ? Probablement parce que le désir d’être « quelqu’un » prend le pas sur celui de préserver notre vie privée. Les algorithmes jouent sur nos pulsions, nos tendances, nos affects. Sans cesse, ils nous demandent de comparer, d’évaluer, de noter. Ils sont au cœur du système, au cœur de nos propres battements d’être.

Nous ne sommes plus des êtres créateurs, mais des êtres calculés au service des algorithmes. Le professeur aujourd’hui exerce en face de jeunes étudiants reliés à une machine, leur portable : nouveau cordon ombilical. Ils n’apprennent plus parce qu’ils ont été infantilisés, domptés et circonscrits dans l’apprentissage du moindre effort et par conséquent de la peur de ne pas réussir.

Apprendre véritablement, c’est se déprendre de soi-même, c’est-à-dire se défaire de ses a priori pour développer sa propre puissance, de vivre et d’expérimenter ce vers quoi nous pouvons encore vibrer étonnamment, conformément à NOS propres désirs.

Sommes-nous parvenus au bout du chemin (celui qui ne « mène nulle part » ) ?.

A ce stade, une question demeure celle de l’existence de règles de programmation éthique des algorithmes ?

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16 mars 2022

Un oubli

( Photo de Démocrite non libre de droits)

Chaque jour, je me propose de faire une marche plus ou moins longue dans les sous-bois de « ma » campagne. C’est toujours un plaisir et une redécouverte de cette clairière avec ses prémices printanières qui cueillent chacun de mes pas.

La nature ne m’a malheureusement pas dotée d’une vision perçante mais d’une ouïe « exceptionnelle » selon les spécialistes. Elle a ses inconvénients (ceux de trop entendre presque tout dans certains lieux) mais aussi ses avantages, comme ceux de percevoir les chants d’oiseaux, le bruissement des feuilles, le soulèvement de la neige à des altitudes improbables avec une rare acuité.

La musique des éléments, avec son cortège de notes, donne à mes promenades des airs de gaité. Je réalise ma chance incroyable de pouvoir entendre le chant de la terre en dehors de tous les désordres et conflits actuels.

( Milan royal : Démocrite : photo non libre de droits)

Les sonorités précèdent toute pensée. Elles la conduisent subrepticement vers un au-delà des heurts et des tensions que notre société porte en elle. Sans doute suis-je happée par cet inter-monde de la tranquillité de la feuille qui jonche le sol, par ce vol d’un oiseau profitant des ascendances pour se laisser planer. Je ne résiste pas.

Je me laisse envahir par ces éléments qui rétablissent et ensemencent un oubli fondamental : celui de l’appétit de vivre.

 

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14 mars 2022

Un monde d'or

Le but de l'éducation totalitaire n'a jamais été d'inculquer des convictions mais de détruire la faculté de n’en former aucune. (Hannah Arendt- Les origines du totalitarisme).

 

En ces temps troublés, ce que nous avons devant nous c’est l’imprévisibilité d’un agir mû par des passions les plus archaïques : le désir d’expansion, de gloire, de toute puissance mêlé à la peur de l’invasion et donc à un sentiment croissant d’insécurité.

D’aucuns sont en peine de ne pas vouloir préserver la paix, par crainte de l’ennui, par oblitération forcée de ces instincts souterrains qui ne demandent qu’à jaillir pour s’exprimer dans une opération finale. Nous pouvons souhaiter qu’au fond de nous-même résiste un arbitre assez puissant pour qu’Eros soit plus fort que Thanatos et que notre planète ne devienne pas un Mordor mais un monde où « dort » la paix et la sérénité.

– “C'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal”. (Hannah Arendt)

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02 septembre 2021

Cofete

                     

 

(Photo de Démocrite non libre de droits (Août 2021))

 

Extra-ordinaires échappées belles dans ces lieux de villégiature que nous affectionnons tout particulièrement. Une découverte complète de cette île aux vents tournoyants qui fouettent et invigorent. Heureusement pour nous, les clichés des agences de voyage sont nuls et non avenus en ces terres arides et volcaniques.

 

 

( Cofete : Photo de Démocrite non libre de droits)

Cofete, un hameau perdu au sein du parc naturel de Jandia. Une plage immense qui s’étire jusqu’au lointain nous offre un spectacle inouï. La roche à la substance ignée se fond sur la grève. Ses monts sont chahutés par Eole qui coiffe ses crêtes. Se joue alors un combat inédit de forces contrariées dans l’éther sublimement azuré.

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18 juin 2021

Dans l'antre de l'entre-deux

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L’image que nous avons de nous-mêmes, que nous portons, nous préoccupe au quotidien ou presque. Quel est donc ce besoin qui nous force à être dans cette relation d’interdépendance avec le regard d’autrui ? Une pulsion narcissique éternellement insatisfaite, qui ne rencontre pas ou ne peut pas trouver son objet ? Une nécessité fondamentale pour la constitution de notre moi ?

Sans doute est-ce dans cette mise en miroir, cette mise en abime aussi, que se développe chaque subjectivité. Pour autant, cette co-appartenance au monde dans et par l’intersubjectivité ne doit pas être un renoncement à sa propre autonomie, qui laisserait  place alors à la souffrance et à la désaffection de liens primordiaux.

Sans doute faut-il percevoir le regard d’autrui comme une orientation toujours singulière, avec sa sensibilité, avec ses penchants qui eux-mêmes renvoient à d’autres subjectivités, à d’autres modalités d'être-au-monde, et ce à l’infini.

De fait, cette rencontre inévitable avec le monde, avec autrui me permet de me constituer comme un moi et détruit toute illusion solipsiste. Mais, la question revient avec plus d’acuité lorsque l’on vit cette relation sous le mode d’une addiction consciente ou pas de la vision d’autrui sur "ce" que je suis.

Le désir accru de re-connaissance empêche toute re-naissance ou émergence du soi, car il est alors vécu sous le mode passif et non actif du sujet. Dans cette acception bien comprise, qui atteste de ma véritable existence, moi ou autrui ? Impropre moi que celui façonné et décidé par autrui.

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01 mai 2021

De fin lignage

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Sautillante et légère, dessinée au fusain

C’est un petit oiseau aux courts lendemains

 

Une livrée blanche couvre son plumage

Cette bergeronnette est de très fin lignage

 

Ses petits pas pressés, ses hochements de tête

Lui donnent un brin joyeux, un certain air de fête

 

Visiteuse des prés, elle se mire dans la mare

Puis bondit sur les feuilles du blanc nénuphar.

 

Agile et toute fine, il faut savoir la voir

Elle hume les parfums de la saveur du soir

 

Bergère des vertes prairies ou des sous-bois

Sur trois années à peine sa vie se déploie

 

Ce temps lui appartient, elle le vit pleinement

Si c’était juste cela aimer éperdument...

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30 avril 2021

Une partition improvisée

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La danse est la plus belle expression corporelle avec laquelle se noue une sensation intense du vivre. J’ai toujours aimé sentir l’embrasement de mes membres mais plus encore la vitalité qui fragmente et qui initie chaque mouvement. Se dégagent à la fois cette puissance et cette légèreté qui se réciproquent l’une dans l’autre pour créer la figure, l’arabesque, l’envol arraché à toute (a)pesanteur.

Le corps parle mieux que tous les discours tenus dans le langage ordinaire avec ses découpes, ses ondulations, ses étirements et ses lâchers prises.Il trouble l'espace, brouille la vue, suscite ce vagabondage de la pensée, cette échapée vers les cieux éthérés, à la fois proches et lointains.

Jadis, j’ai su libérer cette belle énergie dans un « fameux » pas de deux avec un danseur à la pratique « étoilée ». Nous étions deux étrangers et pourtant l’accord improvisé sur des morceaux choisis était parfait.

Aucun quiproquo, juste une interprétation sensible où les corps s’exprimaient dans cette partition hors du temps.

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26 avril 2021

Dédoublement du visible

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Notre époque confond tout, elle confond malheureusement l’essentiel. L’obligation de télétravailler pour nombre d’entre nous est l’expérience même de cette confusion avec l’effacement des frontières entre le public et le privé et de l’intime si précieux. Dans cette nouvelle configuration, le sujet perd ses repères dans cet espace-temps qu’il ne connait pas, pire où il ne se reconnait plus.

Autrefois, cette frontière était nette, tranchée. Il y  avait le temps des êtres et des choses mortelles (objets de consommation, produits du travail) et celui des êtres et des choses immortelles. Nous pouvions observer que le domaine public que représente par excellence la politique se jouait strictement dans l’apparaitre, dans l’espace commun de la manifestation de notre engagement social, politique et donc public.

Le non politique résidait dans la sphère du privé, au sens ou privé signifiait la privation de quelque chose, en l’occurrence celle d’être vu. Nous préservions alors notre singularité, notre moi caché qui réalise notre unicité, creuset de notre « qui » irréductible à un « quoi », à cette insoutenable chosification qui opère aujourd'hui en sourdine.

Comment pouvons-nous faire monde avec cet anéantissement des frontières entre le public et l’intime ? Nous vivons probablement là « le mal le plus radical » de notre époque : préférer la destruction de l’individualité jusqu’à qu’elle devienne au même titre que le ferait toute forme de totalitarisme juste : superflue.

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22 avril 2021

Sans limites

Notre île nous ressemble avec ses pierres de feu, sa végétation tropicale et ses petits êtres curieux. Enchanteresse et difficile, cette île l’est tout à la fois. Nos pas foulaient le sol inconnu au bord de cet abîme.

Te souviens-tu de cette nuit d’été limpide, de ces lieux interdits où nous décidâmes de nous allonger pour admirer la voie lactée ?  

Dans ce ciel le plus pur d’Europe, la lune restait noire, elle s’était  endormie pour ne pas recouvrir cette myriade d’étoiles. L’altitude (2400 mètres) nous enivrait dans ce décorum insensé perdu dans l’atlantique.

Etait-ce alors bien réel ? Sans doute fallait-il pouvoir saisir ce kairos. Les télescopes géants de Los Muchachos pointaient leur lunette dans cet univers étoilé. Il murmurait bien des secrets à qui savait les entendre.

( La Caldeira : Image de Démocrite non libre de droits)

Nous étions unis par la même force, le même étonnement, celui  du thaumazein, dans ses formes les plus intenses parce que c'était toi, parce que c'était moi.

 

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05 avril 2021

Conscient de soi

En ce denier jour de "semi-tolérance" et de soleil radieux, je ne pouvais pas ne pas partir sur les hauteurs de l’Aubisque pour faire ce splendide chemin de crêtes. Nos cœurs suffisamment alourdis par les restrictions quotidiennes, demandent de la douceur et de la légèreté. Ici tout nous élève, tout nous soulève tel ce vol du milan royal qui plane au-dessus de nos têtes. Dans sa solitude dynamique l’oiseau guette une petite proie. Il lui faut gagner des forces avant le retour du froid.

Des jardins naturels de jonquilles, d’iris aussi, fleurissent abondamment sur ces pentes douces du sud. L’astre diurne rond, diaphane, irradie comme une étoile de printemps. Dans cet état aérien, les miasmes s’évaporent. Les yeux levés au ciel, tout là-haut, tout là-haut, embrassent le calme le plus énigmatique : celui du conscient de soi.

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