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Le fondement du philosopher se heurte souvent à la tentative désespérée de vouloir saisir l’essence même de ce processus de manière objectale et de l’enfermer dans certains morphèmes couchés sur le papier. Il s’agit donc d’apprendre à quitter le sol de son pays natal, sol connu, familier et qui nous sécurise : celui de la métaphysique traditionnelle pour évoluer et revenir vers ce qui se soustrait d’emblée aux aurores de la signification et a fortiori de toute forme de téléologie.

Cette attitude difficile est radicale parce qu'elle nous pousse dans nos premiers et derniers retranchements. Le matériau qui fait œuvre dans le philosopher est de forme indéterminée, il épouse les sillons du flux imprévisible du vivre.  Situation inconfortable en vérité puisque nos pas foulent une terre inconnue, dont le sol se dérobe au fil de tous nos petits efforts,investissements. La vision se brouille aussi, puisqu’il n’y a plus de visibilité de notre être et pourtant l’absence de références extérieures, de points fixes d’arrimage ne libère t–elle pas l’homme ?

Il me semble que cet état nous donne à vivre la plus belle forme des sérénités celle qui se déploie dans l’égalité de l’âme devant toutes choses. Sur ce plan « pré-conscientiel » nous sommes en dehors de toute référence métaphysique, scientifique, philosophique même, au point qu’il semble bien difficile de nommer cet état et pourtant, il ex-iste/in-site à sa manière, il est là nécessairement… « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire » (Tractatus de Wittgenstein).

Pourquoi ne pas envisager cet élan comme une invitation à un voyage sans aller ni retour, sans port d’attache, vers une tonalité fondamentale du vivre, celle de la présence muette des choses et de soi à soi.