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J’ai eu la grande chance de « faire » des études de philosophie, une chance parce que c’était là ce qui me faisait vibrer dès mon adolescence et ce, sans le savoir qu'il s'agissait précisément de philosophie. J’ignorais totalement que cette attitude relevait d’une attitude dite "philosophique" .En effet, je n’avais aucun héritage en la matière. Toute ma famille regardait cet intérêt ou curiosité que j’avais à l’égard de la nature des liens entre les choses, entre les êtres, comme une pure perte de temps : une forme d'originalité dans la fratrie qu'il valait mieux recouvrir.

Peu importe …Ils ignoraient totalement l’immense  plaisir que j’avais à découvrir des cheminements de pensée qui m’apportaient du moins, le croyais-je, des éclaircissements extraordinaires sur telle ou telle question.

C’était un sentiment partagé entre l’expérimentation d’un «  savoir –comprendre » qui augmentait et des difficultés de plus en plus redoutables qui apparaissaient à la lueur de la complexité des éléments de réponse toujours plus nombreux, toujours plus fins aussi.  

Pour le coup, j’étais toujours en proie au souci de comprendre toujours davantage…je m’appliquais à prendre des notes et surtout à écrire mes petites perceptions cognitives savamment illustrées, mais dans un champ singulier, celui du poético-philosophique.

J’initiais alors, à l’insu de mon plein gré, une étrange rencontre entre le concept et l’image, entre la raison et l’imagination. Je ne le savais pas encore mais je crois que je me tenais déjà dans une attitude phénoménologique, fondée à prendre l’image poétique dans son être propre en rupture totale avec une ratiocination extrême de la réalité.

Je percevais la vie avec  le relief d’une psyché qui se tenait dans l’antre de la poésie et de la philosophie. Ce corpus psychique entretenait une dynamique spirituelle, autonome, libre, ouverte. Le mot et l’image s’entrechoquaient pour s’abandonner à quelque chose de nouveau, sans surcharge significative  de sorte que ma relation-au-monde restait toujours très jeune…jamais usée.

Le caractère évanescent du langage poético-philosophique institue un monde. Je le sens, je le vis. Il suggère, me semble-t-il, une tentative d’être comme si l’enfance était toujours devant nous : une façon de continuer à s’éveiller soi-même au seuil peut-être d’une « métaphysique » de l’instantané.