Paul Ricoeur
L’état d’exception socialement compris, consisterait selon moi à ne pas avoir besoin du regard d’autrui pour exister. Ceci doit probablement relever du fantasme, de l’affabulation puisque chaque fois que nous sommes en société, nous sortons souvent nos plus beaux atouts pour pouvoir nous mirer dans le regard d’autrui.
Séduire toujours et encore sans cesse…Cela doit assurément procurer une montée de jouissance extraordinaire puisque cette conduite, addictive pour beaucoup, se reproduit inlassablement à chaque rencontre.
Pour autant, j’ai l’impression qu’en vivant de la sorte, l’âme n’est jamais en repos, car jamais satisfaite. S’accroissent alors toujours davantage les susceptibilités et autre vexations lorsque la cible est manquée.
L’affaire ne relève pas de l’intellect mais d’une faille narcissique, d’affects profondément innervés par un « fichu » besoin de reconnaissance. Etre reconnu, c’est être capable de réaliser des actions qui se tiennent au-dessus de l’EXTRA-ORDINAIRE pour le moins c’est ce que l’on croit.
Que cherchons-nous au juste ? Peut-être un sentiment qui nous sécurise, qui comblerait cette anxiété originaire à savoir celle troublante en effet, que nous existons si peu dans ce monde. De cela nous voulons le taire, ne pas le savoir, ne pas y penser.
La véritable force n’est –elle pas celle qui nous permet de nous arracher à cette attraction intersubjective qui parasite cette vision de nous-mêmes et de « l’avantage d’être bien né », c’est-à-dire d’exister par soi et pour soi.
Sans mépriser aucunement autrui, je me confirme dans ce que je suis, dans ma toute belle et unique singularité ou que j’identifie comme telle. Qui pourrait bien la contredire ?