( Photo de Max Lerouge, que je remercie chaleureusement pour cet oeuvre)
Un ami me demandait tantôt ce que recouvrait pour moi l’ordinaire. De fait, lui répondis-je, la notion d’ordinaire n’est pas facile à circonscrire.
D’un premier abord, il faudrait peut-être fuir l’ordinaire. L’ordinaire comme tout ce qui s’apparente à la répétition, à l’ennui, au quotidien, à la domestication, à la conformité à l’ordre normal qui nous effraie.
Savons-nous pour quelle raison ? Nous questionnons rarement l’ordinaire parce qu’il nous sied bien quelquefois de ne pas aller au-delà, de ne pas nous interroger, cela nous arrange. Le « bel ordinaire » est ce rideau de la convention qui voile notre propre subjectivité. Il nous « protège » de tout investissement subjectif à l’égard de soi et d’autrui.
Là où le « nous » s’exprime, le « je » se tait, n’est-ce pas ?
Jeu de dupe dans la relation de soi à soi, de soi à autrui aussi, il nous éloigne de cette inquiétante étrangereté que le moi représente dans toute sa singularité. Nous ne pouvons jamais nous voir nous-mêmes ou sans doute nous ne voulons jamais nous voir.
Et pourtant, nous devinons en creux un idéal, une forme de sublimité vers laquelle nous aspirons à rencontrer autre chose, à rencontrer l’AUTRE. Quotidiennement, nous ancrons notre réflexion dans une manière commune du vivre pour ne pas que le navire chavire.
Et si c’était dans le tangage que le rayon du soleil qui se reflète dans l’eau était le plus éblouissant, le plus étincelant, le plus inédit ?
L’ordinaire se fond dans son usage, mais l’usage peut changer l’or-dinaire et devenir pour le coup : EXTRA… si vous voyez ce que je veux dire.
si l'ordinaire nous rassure parfois (nous en avons ces derniers temps) dans une sorte de liberté léthargique, j'entends par là une liberté de non-agir qui peut paraître séduisante pour un temps, j'aime assez que ma vie se ponctue de tangage modéré - sans chavirer bien entendu.
Tenons nous au milieu, comme disent les Chinois.
La vie se charge de nos choix, laissons aller et vivons paisible - mais ne ratons pas l'opportunité qui passe.